Forces et faiblesses des vampires : l’heure des choix
On a beau être fan, il faut rester objectif: il y a des choses que je déteste dans les histoires de vampire. Des passages obligés, auxquels tout les lecteurs s’attendent. Même ceux des comités de lecture des éditeurs. Je le sais, pour m’y être frotté.
Le plus classique est certainement la bonne vieille énumération des forces et des faiblesses vampiriques. Depuis Dracula au moins, pas un livre qui ne fasse l’énumération de tout ce qui tue un vampire. Quand c’est bien fait, ça passe tout seul, c’est glissé dans le sous-texte, et voilà. Dans le pire cas, c’est souligné à gros traits, par des renforts de «c’est fou toutes ces conneries qu’on peut raconter sur les vampires». Et là ça me tape.
Certains auteurs prennent le taureau par les cornes. Anne Rice occupait la première partie de Interview with the vampirepar la série des (rares) faiblesses et (nombreuses et écrasantes) force des vampires.
Dans le seul but d’augmenter artificiellement mon score de SEO concernant les romans de vampires, j’ai décidé de pondre une petite série d’article sur ces forces et faiblesses communes et les choix que j’ai fait dans mes romans.
L’importance de la liste
Ce n’est pas pour rien que cette liste est si importante. Par sa nature, le vampire se nourrit de sang humain, et est donc un ennemi. Les mièvreries qu’on publie de nos jours ne risquent pas d’affecter cette tendance. Un jour ou l’autre, les vampires et les mortels doivent en venir aux mains. Et comme on prête aux vampires plein de pouvoirs trop cool, il faut que leurs faiblesses soient à l’avenant, sinon pourquoi se cacheraient-ils?
Ces pouvoirs merveilleux et ces faiblesses tragiques sont aussi responsables d’une bonne partie de l’atmosphère particulière des histoires de vampires. La crainte du soleil, la soif de sang, l’ambiance glauqe et nocturne, leur apparence inquiétante… N’est-ce pas ce que nous recherchons tous dans une bonne histoire de vampire? Si vous me montrez-moi un vampire végétarien qui luit au soleil, ne vous étonnez pas si je lance votre livre aux chiottes.
Et il y a encore plus fondamental: le vampire est défini dans l’imaginaire populaire par une série de forces et de faiblesses. Si on s’en écarte trop, l’histoire n’est plus une histoire de vampires. À l’inverse, il peut arriver qu’un auteur veuille s’éloigner des vampires, donne à ses créatures un autre nom, puis leur donne trop de caractères «vampiriques». Personnellement, j’ai déjà vu et ça m’agace.
Il y a aussi des exemples où le mot «vampire» n’est jamais prononcé, mais où on reconnaît sans peine nos monstres préférés. The Hunger de Tony Scott par exemple, mais ce n’est pas le seul. Dans ce cas, les vampires diffèrent du canon de manière assez cruciale: plus de crocs et pas de peur particulière du soleil; ils restent facilement identifiables à leur soif de sang et leur immortalité… relative. L’auteur aurait voulu leur donner un autre nom et ça n’aurait pas du tout passé.
L’immortalité
Commençons par le plus simple. Les vampires sont immortels. En principes.
Il arrive qu’ils viennent avec une date de péremption. Dans The Hunger, les vampires restent jeunes un long moment, puis vieillissent rapidement jusqu’à l’impotence totale, sans toutefois mourir.
Parfois, le vampire doit absolument boire du sang pour survivre. Dans bien des cas cependant, le sang n’est pas essentiel. Parfois, un vampire qui en est privé souffrira jusqu’à perdre tout contrôle, parfois il tombera simplement dans un long sommeil. Dans Vampire The Mascarade, le jeu de rôles bien connu, c’est un savant mélange des deux: le vampire finira par tomber en torpeur, mais en attendant, la moindre odeur de sang risque de le jeter dans une frénésie incontrôlable. C’est la version que j’ai adoptée en ce qui me concerne.
Il arrive que les vampires s’ennuie tant qu’ils tombent dans une profonde torpeur qui peut durer des siècles. Ainsi le couple royal dans les Chroniques des Vampires de Ann Rice. Ce n’est pas la mort à proprement parler, mais cela évite que le monde soit rempli de vampires millénaires à tous les coins de rue.
Dans mon univers, les vampires ne vieillissent pas, mais il sont sujet, en vieillissant, à des périodes de torpeur de plus en plus longues. Comme leur sang est recherché par les vampires plus jeunes, très peu d’anciens survivent à cette torpeur. Il existe cependant des moyens magiques pour survivre même à la mort finale, se créer un nouveau corps et revenir à la vie.
De plus, l’immortalité a des effets psychologiques (dimension absente de tous les romans que j’ai lu jusqu’à ce jour). Plus ils sont anciens, et plus le temps semble passer vite, au point qu’ils n’arrivent plus à comprendre notre monde et son évolution rapide, à commencer par les progrès techniques. De plus, leurs valeurs tendent à changer. Quel que soit le prix qu’ils avaient attachés à une vie humaine dans leur jeunesse, le passage du temps les rend de plus en plus insensibles. Certains deviennent presque suicidaires, d’autre au contraire complètement paranoïaques. Et l’âge apporte parfois de nouveaux pouvoirs comme les métamorphoses ou la télépathie, qui changent la vision du monde des vampires et les rendent de plus en plus étrangers. Sans compter l’influence de toutes les cultures auxquelles ils ont été exposés au cours de leur longue vie, et qui peuvent se révéler en décalage important avec le monde moderne. Les vampires très anciens dans mon univers sont donc nécessairement en rupture avec la société moderne, que ce soit les mortels ou les vampires plus jeunes.
Le soleil et les vampires
C’est la plus difficile. Que le soleil tue les vampires est extrêmement répendu dans la fiction moderne, en particulier au cinéma et à la télévision. Cependant, c’est un handicap sévère pour un personnage. Le vampire devient terriblement facile à détruire. Les longs voyages deviennent périlleux. Toute forme d’interaction avec le monde moderne devient compliquée: pas de banques ouvertes, pas de boutiques (ou presque), pas même un simple magasin de plein air. L’idée, souvent exploitée, de mêler les vampires à la société devient difficile au mieux — le truc de l’excentrique qui ne sort que la nuit a déjà été passablement étiré.
Si le vampire a de tout temps été une créature nocturne, les légendes et les premiers ouvrages ne disaient rien sur un effet létal du soleil. À peine supposait-on que le vampire devait passer sa journée dans son cercueil. C’est le film de Murnau, Nosferatu, qui changera la donne: le soleil y devient la seule manière de détruire un vampire.
Depuis, le soleil est un tue-vampire assez universel. Durant les années 70, quelques films érotico-vampiriques à petit budget semaient une certaine confusion avec des scènes de nuit tournées en plein jour (la nuit américaine ratée). Coppola osa s’inscrire en faux: les vampires n’avaient pas à se cacher du soleil, ils perdaient simplement une partie de leur pouvoir durant le jour. Dans Buffy, Spike arrivait à se déplacer le jour en se couvrant d’une épaisse couverture et même à conduire avec une voiture aux vitres peintes (comment il évite la simple arrestation est un mystère). Anne Rice avait tranché pour le soleil tueur, mais la faiblesse s’aténuait avec le temps, au point que les plus anciens changeait à peine de colloration quant ils étaient exposés. Quant à Twilight, tout le monde connait la méthode étrange par laquelle l’auteure a réconcilié la peur du soleil et le scénario improbable d’un amour d’étudiants.
Chaque auteur doit se situer face à cette question. Bien que je sois franchement pour coller au folklore le plus possible, j’ai néanmoins décidé que mes vampires périraient au soleil. De forts nuages et une pluie abondante peuvent leur permettre de sortir, en se couvrant beaucoup, mais la crainte de tomber en torpeur les arrêtera généralement. Plus les vampires sont anciens, plus le soleil leur sera nocif. Ainsi, mes vampires seront nocturnes, définitivement.
Cela pose toutes sortes de problèmes, bien sûr, et chaque personnage les règle à sa manière. Grimaldi, un professeur d’université, abandonne ses charges de cours et se contente de travaux pratiques en faculté de génie, dont le bâtiment est à peu près dépourvu de fenêtres. Michel travaille comme portier dans un bar sans déclarer à l’impôt. Jérôme, le Cerbère, ne sort pour ainsi dire jamais du Sanctuaire, le repère de vampires dont il est le gardien; ce sont les autres vampires qui lui apportent sa nourriture. Édouard de Larochelle a un alter ego, un acheteur d’art globe-trotter, constamment en voyage ou en rendez-vous; chacun comprend qu’un tel homme utilise des tonnes d’intermédiaires et soit presque impossible à rencontrer; ceux qui reçoivent son argent lui pardonnent aisément.
J’ai adopté le soleil mortel pour plusieurs raisons. D’abord, mes vampires sont passablement forts, en particulier les anciens; la susceptibilité au soleil est une manière de leur apporter une vulnérabilité bienvenue. Cela permet aussi de garder mes histoires la nuit — l’ambiance nocturne est le principal charme que je trouve aux histoires de vampires. Enfin, ce lieu commun particulièrement bien établi me permets quelques originalités sur les autres aspects de mes vampires.
Comme la plupart des autres traits de mes vampires, la susceptibilité au soleil croît avec l’âge. Plus un vampire est ancien, plus il y est sensible.
Je me suis interrogé sur la raison pour laquelle le soleil affecterait les vampires, et j’ai fini par la trouver. Je ne la révèlerai pas ici, ce sera une des révélations du cinquième roman — si je peux terminer de réviser le premier 😉
Lisez la suite de ces réflexions dans «manières de détruire un vampire».